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En 1823, une petite chapelle en bois est érigée à Saint-Philippe. Ce lieu de culte naît suite au déplacement de la population de l’actuel quartier de Basse-Vallée, où se situe le premier cimetière dit « cimetière marin » de la ville, vers le centre de la localité. À cette époque, le territoire de Saint-Philippe est encore rattaché à la commune de Saint-Joseph et porte le nom de « Section Baril ».
Le 4 octobre 1830, par ordonnance royale, la « Section Baril » allant de Basse-Vallée jusqu’au milieu du Grand Brûlé est détachée de Saint-Joseph et érigée en commune indépendante sous le nom de Saint-Philippe. Cette nouvelle commune compte alors environ 1 500 habitants. Le premier prêtre à y officier est le père Gaudot, de 1831 à 1832.
À partir de 1836, débute la construction d’une nouvelle église, à environ 200 mètres de l’ancienne chapelle, sur un terrain offert à la commune par Jean-Baptiste François Delcy Fin, un ancien maire de Saint-Philippe, en échange d’un banc à titre gratuit pour lui et sa descendance à l’intérieur de l’église. Le nouvel édifice religieux est consacré le 25 juillet 1839. Construite en pierre de taille et chaux, la structure présente cependant des signes de vétusté dès 1847, selon les observations de l’abbé Joffard. Le 5 août 1847. En décembre 1849, le Conseil municipal soulève de nouveau le problème de la sécurité de l’église, en raison de sa mauvaise construction, de l’affaissement de la toiture et des lézardes sur les façades latérales.
Il faut attendre l’arrivée de l’abbé Le Fichant, le 3 juillet 1859, pour que les paroissiens puissent disposer d’un lieu de culte sûr. La nouvelle église est bénite le 13 juillet 1860 et consacrée le 17 juin 1866 par Mgr Maupoint. Initialement, la toiture était recouverte de bardeaux et munie d’un balcon. La tribune a disparu, de même que l’horloge offerte par la Reine Victoria après le naufrage du Warren Hastings en janvier 1897, en remerciement pour la bravoure et l’hospitalité des Saint-Philippois ayant secouru les naufragés.
La cloche de l’église du centre ville de Saint-Philippe sonne la liberté
La cloche de l’église est installée en 1878 et bénie par l’abbé Jules David. Elle est baptisée sous le nom de Henriette Persée Françoise (ou Henriette Renée Françoise selon les sources). Restaurée une première fois en métropole en 1955, elle est de nouveau baptisée par Mgr Cléret de Langavant. Après dix ans de silence, nous avons, en ce jour du 20 décembre 2024, célébrant l’abolition de l’esclavage à La Réunion, la joie d’entendre à nouveau sa belle mélodie pour le bonheur de nos paroissiens.
La commémoration du 20 Décembre
Le 20 décembre, jour de commémoration de l’abolition de l’esclavage à La Réunion, est particulièrement significatif pour Saint-Philippe. En 1847, à la veille de l’abolition, la commune comptait plus de personnes libres que d’esclaves : sur 1 748 habitants, on dénombrait 1 054 personnes libres et 694 esclaves. Une anecdote marquante liée à cette période raconte que l’abbé Joffard, arrivé dans la paroisse en mai 1847, s’indignait des mauvais résultats en matière d’évangélisation des esclaves et n’hésitait pas à critiquer les maîtres. En juin 1848, le maire de l’époque, Montbel Fontaine (1842-1850), dans une lettre adressée au Directeur de l’Intérieur, accuse l’abbé Joffard d’avoir déclaré les esclaves libres et rapporte les propos de celui-ci :
« Mes enfants, aujourd’hui, vous êtes libres, c’est-à-dire vous êtes blancs comme moi, votre liberté est arrivée. Désormais nous sommes ici tous égaux et bien que vous ayez la peau noire, il n’existe plus aucune différence entre vous et les blancs. Dès maintenant, vos maîtres n’ont plus le droit de vous faire travailler sans vous payer le prix de vos journées. Vous pouvez donc à l’avenir assister à la messe tous les jeudis et dimanches, et si par cas vous en étiez empêchés par vos maîtres, venez me trouver. »
Au jour du 20 décembre, la cloche de Saint-Philippe nous rappelle ce message de liberté et de fraternité, résonnant comme un symbole d’espoir pour tous.
Sources :
– Mickaël Jérôme Rivière, Co-auteur, ouvrage en collaboration avec la Fondation Clément Le patrimoine de La Réunion , HC éditions, mars 2023.
– Jean Luc Théodora, Identité marginalisée, identité assumée, identité transmise : Saint-Philippe 1735-1750.
Contribution de la population d’une à l’identité d’une île, mémoire de maîtrise, université de La Réunion, 263p. , 1995.
– ADR 11M76 Situation religieuse des esclaves pour le 3e et 4e trimestre 1847
– ADR20242, Lettre du 29 juin 1848 de Montbel Fontaine au Directeur de l’Intérieur.